JOUER MECHANT

Tôt ou tard, cela fini par démanger le joueur. Respecter la loi, défendre la veuve et l’orphelin, respecter les PNJ, ça va un moment. Un Jeu de Rôle permettant de faire ce que l’on veut, et surtout ce que l’on a pas l’habitude de faire dans la vie de tous les jours, alors pourquoi ne pas sauter le pas : jouer dans le camps des méchants. Et là, plus de limites, plus de contraintes, plus de tabous… sauf que ce n’est pas aussi simple.

Un méchant a potentiellement autant de contraintes qu’un gentil, elles sont juste d’une autre nature. En règle générale, il est soumis à une autorité, réelle ou spirituelle, qui peut lui imposer un code de conduite et des valeurs. Ce n’est pas obligatoire, bien sur, cependant un méchant reste un être qui ne suit pas la norme, il vit en marge et son comportement, ses habitudes et ses actes sont rarement appréciés par la majorité. De fait, si il agit comme bon lui semble en permanence, il sera repéré, catalogué, isolé de la société et suivant la nuisance qu’il représente, déclenchera l’hostilité de tous. Plus vite le personnage adoptera un comportement extrême et plus vite la sanction de la société s’abattra sur lui. Tout joueur doit comprendre que le personnage bête et méchant a une espérance de vie très courte.

Alors peut-on jouer un méchant ? La réponse est oui mais il faut jouer un méchant subtil. Voyons les deux cas de figure de jeu de méchant.

Un méchant dans un groupe de gentils : 1 (ou 2 maximum) joueur interprète un méchant à l’insu des autres joueurs. Oui, à l’insu : le joueur aura un peu plus de pression pour jouer son personnage méchant si les autres joueurs l’ignorent, de plus, le Roleplay sera plus naturel pour tout le monde. Ce que le joueur doit garder en tête, c’est que pour vivre longtemps et accomplir sa ou ses missions, la chose la plus importante à sauvegarder, c’est sa couverture. Jouer un méchant, dans ce cas, consiste principalement à ne pas se dévoiler, agir en suivant le groupe, aider. Ce n’est qu’en deuxième intention que l’on se sert de sa position pour agir dans son intérêt. Attendre le bon moment, couvrir ses arrières, préparer ses coups seul (mais en accord avec le MJ bien sur). Au fur et à mesure, le joueur pourra tenter de convertir d’autres joueurs à sa cause voire toute la tablée.

Un groupe de méchants : là également, pour éviter que les parties partent en carnage, les joueurs doivent comprendre que tout acte inconsidéré aura des conséquences. L’idée est de se servir de l’environnement pour exercer une pression sur le groupe et le cadrer. En dehors de ça, les scénarios restent les mêmes que pour un groupe de gentils sauf qu’ils auront des méthodes plus radicales pour obtenir ce qu’ils souhaitent. Attention ! C’est là que peuvent intervenir les dérapages (« et si on torturait tous les membres du village pour avoir des renseignements ? »). Comme scénarios spécifiques, vous pouvez faire des scénarios de complot, d’assassinat ou d’espionnage. Ils recèlent la part imposée de discrétion nécessaire pour un groupe de méchants. Peu à peu, plus les personnages méchants vont devenir puissant, plus l’idée de conserver une couverture sera compliquée à garder. Il faut donc changer d’optique et axer les scénarios en étant plus en rapport avec leurs ambitions, en leurs faisant affronter des adversaires plus méchants mais surtout plus puissants qu’eux (ça aussi ça calme les ardeurs).

Au final, un méchant a plus de moyens à sa disposition pour obtenir ce qu’il convoite, mais ces moyens lui attireront des problèmes si il n’est pas prudent. Que ce soit dans une société « gentille », où il passera pour un marginal dangereux, ou dans une société « méchante », où il passera pour un danger contre l’ordre établi (oui, les gros méchant aiment moyennement la concurrence). De fait, être un méchant est dangereux pour soi-même et c’est là-dessus qu’il faut jouer pour gérer un ou plusieurs méchants. Mais ne vous privez pas de jouer ou d’intégrer 1 ou plusieurs méchants : c’est toujours amusant à observer.

3/ SCENARIOS PMT

Le classique des classiques, le PMT : Portes, Monstres, Trésor ; également appelé Monstres-Xp-Trésors, Donjon ou Labyrinthe. Je vous le dis de suite, je n’aime pas. Mais tout les MJ en ont au moins fait un. Pendant un temps, c’était la règle venant du premier JDR, Donjons et Dragons. Même si le jeu n’avait pas que cela comme objectif, beaucoup de MJ s’amusaient à créer des donjons, des souterrains et des labyrinthes, remplis de monstres et de pièges, sur plusieurs niveaux, avec tout un tas de trésors à récolter. En jeu vidéo, type Diablo, pourquoi pas : il y a les graphismes, la dynamique et tout un tas d’effets pyrotechniques assez sympa. Mais sur table, l’exploration systématique des salles et la cartographie en temps réel, a tendance à devenir fastidieuse pour les joueurs.

Alors comment en faire un moins ennuyeux ? D’abord les lieux. Pour ma part, je les divise en deux catégories : les lieux de vie abandonnés et les sépultures.

  • Les lieux abandonnés : quelque soit le type de lieu, ils avaient une fonction, les pièces qui les composent doivent donc tenir compte de cette fonction. Pour un lieu de vie, il faut minimum 1 pièce pour dormir, 1 pièce pour manger, 1 pièce pour stocker les vivres, et plusieurs pièces utilitaires : salle de réception, salle de réunion, bibliothèque, armurerie, infirmerie, laboratoire, etc… le tout relié par des couloirs voire des escaliers si il y a plusieurs niveaux (ou même des ascenseurs). Pensez le plan en gardant en tête que la disposition doit être fonctionnelle voire agréable à vivre. On ne met pas des pièges partout, il y a peu de chance que les habitants vivaient en sautant à cloche-pieds et en déplaçant les candélabres dès qu’ils allaient aux toilettes (pensez à prévoir également les commodités dans votre plan). Pour les temples, c’est un peu pareil, l’histoire nous montre que la plupart des prêtres ont toujours vécu dans les lieux de culte (du prêtre égyptien au curé catholique). Il faut donc qu’il y ait un lieu de vie au moins attenant au lieu de culte. Encore une fois, inspirez vous de ce qui existe ou qui a existé.

  • Les sépultures : du tombeau à la nécropole, dans l’antiquité, on trouve plusieurs pièces ayant des fonctions bien définies : le lieu de préparation des corps, l’antichambre pouvant être ornée des faits d’armes du mort et quelques offrandes, le tombeau proprement dit. Dans une nécropole, tout est organisé comme une ville avec des rues, de petits temples votifs, et des quartiers pour séparer les gens en fonction de leur richesse, classe social, etc… Dans une nécropole, l’antichambre est parfois réduite à une simple niche. Pour les tombeaux, plus la personne inhumée a eu du pouvoir de son vivant, plus on fait les choses en grand : il peut y avoir les tombeaux de serviteurs, de conjoints, d’animaux, une salle au trésor, de faux tombeaux pour tromper les pilleurs et même de petits temples dédiés à une ou plusieurs divinités particulièrement révérées par le défunt. Si vous voulez installer des pièges, il faut les placer à des endroits stratégiques, sans oublier que les mécanismes non entretenus vieillissent mal, rendant leur fonctionnement plus qu’aléatoire.

Pour ce qui est de peupler ces lieux, pensez en premier aux morts-vivants : ils se justifient d’eux-mêmes et on peut considérer qu’ils ne s’activent que lorsque des êtres vivants entrent dans le lieu en question. Pour les bêtes sauvages, n’oubliez pas que les animaux ont des besoins naturels qu’il leur faut assouvir pour survivre : boire, manger, dormir… et les aventuriers ne constituent pas un apport protéinique suffisamment régulier. Quand aux créatures surnaturelles, c’est dans le bestiaire que vous trouverez une explication. Dans tous les cas, il faut être rationnel : un ver géant cavernicole ne se trouve pas dans une station spatiale et un dragon dans la dernière pièce du cinquième sous-sol d’un souterrain sans conduit pour se dégourdir les ailes, va falloir bétonner l’historique du lieu pour expliquer sa présence.

Reste le scénario lui-même. L’écueil régulièrement commis est le nettoyage des lieux : transformer les PJ en dératiseur pour récupérer le lieu nickel et le revendre ensuite dans les pages immobilières de la gazette, c’est ce qui conduit inévitablement au scénario fastidieux. Le but ne doit pas être de tuer les monstres, juste une conséquence. Envoyez plutôt vos PJ cherchez un objet, une information ou enquêter sur l’abandon des lieux. Vous pouvez même le faire façon maison hantée : les PJ arrivent, explorent, s’installent sans qu’il ne se passe rien de particulier, ce n’est qu’au bout d’un certain temps, que des choses curieuses arrivent, petit à petit, puis évoluant en crescendo. Il n’est même pas obligatoire qu’ils explorent l’ensemble des lieux. Et certaines pièces peuvent ne contenir que du mobilier moisi hors d’usage.

Je finirai en disant qu’il n’existe dans notre monde que 2 genres de labyrinthes : celui des jardins de châteaux destinés au divertissement et rencontres galantes, et celui du roi Minos, sur l’île de Crète qui n’a d’ailleurs peut-être jamais existé. Alors, pourquoi en inventer un dans monde de JDR sous prétexte qu’il est fantastique ? Quel serait son utilité ? Moi, je n’en vois pas l’intérêt.