5/ SCENARIOS EXPLORATION

Voilà un scénario tout en réflexion. Il se rapproche du scénario enquête à ceci prêt qu’il n’y a pas crime… du moins pas au début. C’est typiquement le genre de scénario qui est privilégié sur des jeux tel que l’Appel de Cthulhu. Mais vous allez voir qu’il convient à tous les jeux.

  • Point de départ : vous devez commencer par une découverte : un lieu inconnu jusqu’à maintenant (cité dans la jungle, planète hors des routes commerciales…), un texte ancien (légende, prophétie, carnet de voyage, carte au trésor…), ou tout autre excuse. Il n’est pas nécessaire que cette découverte soit immédiatement anxiogène (bien que les joueurs trouverons cela louche quelque soit la façon dont vous présentez les choses). Cette découverte peut avoir été faite lors d’un précédent scénario pour former une continuité. Le tout est que cette découverte nécessite un voyage d’exploration pour en percer les mystères : archéologie, prospection minière, cartographie. Il est préférable que le lieu soit éloigné et isolé mais pas obligatoirement.

  • Préparation : étape intéressante mais optionnelle. C’est là que les joueurs doivent penser à tout ce qu’ils doivent emmener pour une exploration : matériels d’excavation, vivres, moyens pour dormir sur place, transport, etc… si vous le souhaitez, il est possible de faire durer cette étape en faisant marchander les joueurs pour chaque article et donner l’occasion de jouer des marchands haut en couleur et plus ou moins sympathiques. D’un autre côté, il n’est pas nécessaire de les piéger : ne rien dire et attendre la première nuit sur place pour leur faire remarquer qu’ils n’ont pas acheté l’huile pour les lampes est un peu mesquin et n’a que peu d’intérêt (sauf pour se moquer éventuellement). A contrario, il vous est aussi possible d’abréger les discussions des joueurs en leur accordant le fait qu’ils aient pensé à tout le nécessaire (mais seulement le nécessaire) et de leur faire faire un seul jet de marchandage pour tout, si vous y tenez. Autre solution, ils sont engagés par quelqu’un qui mène l’expédition et qui s’est déjà procuré tout l’équipement.

  • Le voyage : une étape du scénario assez importante. Le voyage sert principalement à 2 choses. Tout d’abord à amener vos joueurs vers le lieu d’exploration et donc de faire naître l’ambiance par la description des changements de paysages, des phénomènes météo propres à la région, de sa faune et de sa flore, bref tous ce qui va vous permettre de faire comprendre à vos joueurs le caractère sauvage/isolé/hostile/bucolique/étrange, que sais-je encore du lieu où ils vont vivre leur prochaine aventure. Dans un deuxième temps, le voyage permet de faire connaissance avec les PNJ de l’aventure : accompagnateurs, mercenaires, prospecteurs, scientifiques… quels sont leurs motivations, leurs personnalités, leurs compétences et domaines d’activités ? Si le groupe de PJ viens d’être formé, il leur permet aussi de faire connaissance, bien entendu. Vous pouvez émailler ce voyage de rencontres hostiles (faunes, concurrents,… j’y reviendrais) mais n’en n’abusez pas, cela vous ferez perdre beaucoup de temps sur la partie.

  • L’arrivée sur le site : la suite étant le cœur du scénario, l’arrivée est très importante. Il faut commencer par une description des lieux, avec des détails (bruits, couleurs, odeurs…). Ensuite, laissez les PJ s’installer, monter le camps et planifier le travail : prospection, excavations, relevés, mesures… ils doivent se sentir à l’aise. C’est après que cela se gâte.

  • Les événements : personnellement, j’évite d’être brutal. Ce doit être mon côté sadique, mais j’aime bien distiller les événements en montant crescendo. Un petit accident pour commencer (ou du moins en apparence), puis un autre plus troublant, des traces suspectes autour du campement. L’idée étant de faire croître la tension, de faire naître une petite paranoïa au sein des gentils explorateurs. Vous pouvez même faire suspecter des membres de l’équipe pour accentuer cela. En parallèle, il convient que l’exploration porte ses fruits : découvertes de vestiges, de gisements, de salles secrètes (ou simplement inaccessible au début à cause des mouvements du terrain), en gros, que le travail continu malgré les problèmes.

  • Le final : baston ou fuite. C’est basique mais il n’y a pas vraiment besoin de faire plus compliqué. L’intérêt étant que les joueurs doivent s’en sortir et, si possible, pas les mains vides.

Pour agrémenter ce scénario, il faut des protagonistes pour que les joueurs ne se sentent pas trop seuls. Petite liste :

  • la faune local : comme je l’ai déjà évoqué, la faune est source de péripéties. En effet, les PJ explorent généralement des régions non civilisé où la nature à repris ses droits. Où donc des animaux vivent, nichent, se reproduisent, chassent… La plupart de ces bestioles fuient l’approche de l’homme. Cependant, certains peuvent avoir envie de protéger leur chez-soi, et toute la petite famille (allez fouiller une grotte occupé par une maman ourse et ses petits en train d’hiberner). À moins que certains prédateurs ne soient tentés par le menu touristique que représente les PJ. Pour les détails, consultez attentivement votre bestiaire.

  • Les autochtones: comme le dit M. Pratchett avec humour : seuls les explorateurs bien habillés peuvent prétendre découvrir des régions inconnus ; les indigènes ne comptent pas vraiment. Jusqu’à ce qu’ils décident de vous chasser pour des raisons diverses (superstition, défense, gastronomie…). Révisez vos cours d’histoire pour appréhender les « joies » de la colonisation surtout lors des premières rencontres, quand les PJ ignorent tout du protocole local.

  • Les concurrents : si une personne a trouvé ce lieu d’exploration, alors d’autres le peuvent également. Qui sont-ils ? Que savent-ils exactement ? Quels sont leurs moyens ? Veulent-ils la même chose : exploiter le site ou le détruire pour cause de convictions contraires ? Et surtout, ont-ils des complices infiltrés dans le groupe ?

  • Les gardiens : si ils sont en vie, considérez les comme des Autochtones mais ayant une mission : protéger la région/planète/vestige/montagne… Si ils sont morts (zombies, fantômes, momies…), ne les révélez pas tout de suite, laissez vos joueurs fouiller, ouvrir une salle qu’il ne fallait pas, lire un texte à haute voix (qui a parlé de la malédiction de la momie ?).

En mélangeant les quatre types de protagonistes, vous pouvez même contraindre vos PJ à conclure des alliances pour résister à la plus grande menace.

C’est un genre de scénario que j’apprécie beaucoup, surtout à l’Appel de Cthulhu en version chantier archéologique car il me permet de faire beaucoup de recherches sur des vestiges de par le monde. Il demande pas mal de préparation mais me permet de faire monter la tension autour de la table : du voyage de travail à la mission de survie. Il replonge les joueurs dans les ambiances du type Indiana Jones, La Momie et autres. Voir les joueurs sentirent le danger arriver sans trop savoir ni où ni quand, pour un MJ, c’est vraiment jubilatoire.

1/ L’APPEL DE CTHULHU

Pour vous parler des jeux dont j’ai masterisé au moins une partie, je dois forcément commencer par l’Appel de Cthulhu. C’est MON jeu. Attention, je ne veux pas dire que c’est moi qui l’ai écrit, je n’ai pas cette prétention. Non, c’est MON jeu parce que c’est le jeu que je connais le mieux, que je maîtrise parfaitement. C’est par lui que j’ai découvert le monde du JDR, en ouvrant un catalogue des Relais Descartes, une chaîne de magasins qui vendait toutes sortes de jeux dont des jeux de rôle. L’Appel de Cthulhu occupait deux pages pleines avec toutes ses extensions et cela me fascinait. Les illustrations de couverture de Thomas B. ‘Tom’ Sullivan y étaient pour beaucoup. Dans la présentation, le catalogue indiquait que le jeu était inspiré des nouvelles de Howard Phillips Lovecraft. J’ai acheté un livre pour voir, aujourd’hui j’ai l’intégrale. Cet auteur m’a fait aimer la lecture. Voilà pour le couplet nostalgie du vétéran.

Présentation :

C’est un jeu de type horreur contemporaine à l’origine. Je dis à l’origine, car les intrigues se situent avant tout dans les années 20-30 (comme dans les nouvelles de Lovecraft). Mais, rapidement, des extensions ont proposé d’autres époques : Cthulhu by Gasligth pour jouer en 1890 ; Cthulhu 90, plus contemporain (année 1990 pour ceux qui n’ont pas compris) ; et récemment, Achtung Cthulhu, pour la période Seconde Guerre Mondiale. Je citerai également Cthulhutech, pour une vision futuriste-manga, et Cthulhu l’An Mil, astucieusement bricolé par des fans (trouvable sur le site TOC). Personnellement, étant fan de l’auteur, je ne fais jouer que dans les années 20.

Le contexte :

Avant l ‘apparition de l’homme, des entités extra-terrestres surpuissantes et des dieux dominaient la Terre. Suite à leur guerre, plusieurs d’entre eux furent chassés tandis que d’autres étaient enfermés par de puissants sortilèges. Immortels et oubliés, ils attendent le jour où les astres serons propices afin de reprendre le pouvoir sur la terre. Pour cela, ils montent des cultes à leur propre gloire au moyen d’anciens textes, de sculptures, des vestiges de leurs anciennes cités, de rêves, de sorcellerie ou encore de la folie de certains artistes. De nombreux cultes primitifs ne sont que des résurgences des anciens cultes qui leur étaient dévoués.

Les joueurs, appelés investigateurs, découvrent peu à peu l’existence de ce panthéon cauchemardesque et tentent d’empêcher leur retour en luttant contre des sectes démentes en évitant de mourir mais surtout de devenir fou.

Le jeu côté joueur :

Le jeu est un peu particulier dans le sens où les ennemis principaux sont des divinités immortelles que les joueurs ne peuvent vaincre mais seulement retarder les projets. J’ai rencontré plusieurs joueurs que cela rebutait.

Autre détail, et non des moindres, les joueurs ne jouent pas des débutants, ils ont même la possibilité d’incarner des professionnels matures ayant une certaine expérience, des biens, une famille, etc… Le système prévoit d’ailleurs une progression par l’expérience qui est très lente. Le domaine dans lequel il débute, c’est le Mythe de Cthulhu, compétence qui regroupe l’ensemble des connaissances occultes de cet univers. À mesure que cette compétence augmente, les facultés mentales se dégradent pour mener les investigateurs vers la folie. La folie, qui est traditionnellement dans ce jeu la fin la plus probable des personnages. Autre aspect qui rebute certains joueurs.

Je laisse toute liberté aux joueurs de choisir leur métier. Cela me donne plus de travail pour les impliquer dans la première aventure, mais l’esprit des nouvelles de Lovecraft est justement que des gens ordinaires se retrouvent confrontés à une réalité qui les dépasse et à laquelle ils ne sont bien évidemment pas préparés. Le groupe se forme dans l’adversité et la connaissance de savoirs interdits.

Le jeu côté Maître de Jeu :

Le jeu offre beaucoup de possibilités de scénarios. Le plus classique étant l’enquête : activités suspectes d’un groupe ou d’une personne seule (un membre de la famille d’un investigateur éventuellement), un meurtre sanglant et mystérieux, etc… Vous pouvez aussi prévoir un scénario d’exploration type archéologie, ethnologie ou autres sciences (expéditions très populaire dans les années 1890 ou 1920, quand de grandes parties du monde étaient encore à découvrir).

Dernièrement, pour avoir un groupe d’investigateurs un peu plus cohérent, j’ai proposé à mes joueurs de choisir entre deux types de groupes : le premier était un groupe d’agent du FBI (lors de sa restructuration par Hoover) qui enquêterait sur les sectes et les phénomènes inexpliqués (un X-files dans les années 20 avec tentacules) ; le deuxième était un groupe de scientifiques archéologues menant des expéditions autour du monde. Ils ont opté pour le deuxième et courent désormais après les vestiges de Mu.

Généralement, je choisis une créature du mythe dans le bestiaire. Je regarde les liens éventuels avec d’autres créatures, divinités et sectes du mythe. J’essaye ensuite de rapprocher cela de mythes connus actuellement (primitifs ou modernes). À ce moment de la création de scénario, il me faut une localisation géographique et si possible un paquet d’iconographies (dessins, plans, photos récentes ou d’époques, etc…). Je n’ai plus qu’à trouver un bon prétexte pour y envoyer mes investigateurs et d’imaginer les événements qui découleront de cette rencontre.

J’essaye autant que possible de surprendre mes joueurs en me servant des aspects méconnus du mythe (je n’ai fait qu’une partie avec Cthulhu et ses profonds). Et je ne me contente pas non plus de les rendre fous. Dans une précédente campagne, un des investigateurs s’est peu à peu transformé en goule (contact et étude prolongée d’un ouvrage majeur du mythe). À la fin le personnage a fini en PNJ, mais le joueur s’est bien amusé et il pouvait retrouver son personnage comme source d’informations dans les parties suivantes. J’ai également fait jouer un homme-serpent, dissimulé au sein d’un groupe d’humains : très drôle aussi.

Ce jeu m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur cette époque : sciences, cultures, politiques, histoires, etc… et les possibilités continuent de me passionner. L’intégrale de Lovecraft me sert de livre de chevet et j’ai déjà adapté deux de ses nouvelles en scénario. Je le répète : c’est MON jeu.